Hakim Bey vient de l'extrème gauche au sens très large du terme, ses influences sont multiples. Ainsi, quand il déclare « notre situation historique particulière n'est pas propice à une si vaste entreprise. Un choc frontal avec l'état terminal, l'etat de l'information méga-entrepreuneuriale, l'empire du spectacle et de la simulation, ne produiraits absolument rien si ce n'est quelques martyre futiles » il s'inscrit fondamentalement dans la logique du matérialisme historique les actions que l'on peut entreprendre au contexte historique.
Toute la réthorique de la tactique révolutionnaire le marque profondemment, il spécule sur l'invisibilité et la disparition comme tactique mais la TAZ est dans la ligné de Jerry Rubin lorsque celui ci déclare « Agissons maintenant car si nous voulons nous mettre d'accord sur quel type de société nous voulons il nous faudrait 1000 ans »
L'action avant tout. Si HB parle de théorie, c'est par branlette intellectuelle. Pas à un seul moment il n'entrevoit les liens directs entre théorie et pratique et la possibilité que l'une puisse pervertir l'autre et vice versa.
Mais HB n'est ni un théoricien, ni un philosophe. Son idée de la TAZ qu'il définit malgré lui comme un « microcosme de ce rève anarchiste d'une culture libre (mais aussi) la meilleur tactique pour atteindre cet objectif, tout en faisant l'experience de certains de ses bénéfices ici et maintenant » mais qu'il ne « cherch(che) pas à vendre (...) comme une fin exclusive en soi, qui remplacerait toutes les autres formes d'organisation, de tactique et d'objectifs » est avant tout basée sur l'idée marxiste que c'est en se libérant individuellement que l'on libérera les autres: « Dire je ne serais pas libre tant que tous les humains (ou toutes les créatures sensibles*) ne seront pas libres revient à nous terrer dans une éspèce de nirvana stupeur, à abdiquer notre humanité, à nous définir comme des perdants »
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TAZ ne respecte aucune règle de la pensée. A tel point que ça en devient gênant. Monsieur nous dit quelque chose qui nous intéresse (par exemple la psychotopologie, l'art du sourcier: des TAZ potentielles) et le paragraphe suivant change complétement de sujet. Il n'arrive jamais à poser sa réflexion, à la dérouler, à observer un problème sous tout ses aspects. Ce n'est pas seulement gênant, c'est irrecevable intellectuellement. Quand il parle d'histoire, on frôle la malhonneteté. Ainsi quand il parle des pirates, il est dans son monde, il les idéalise totalement, oubliant qu'a côté des quelques idéalistes, nombreux révoltés, il y avait des brutes sanguinaires matérialistes qui tuent, violent et (oh my god!) boivent du rhum.
Cela dit, une fois que l'on s'est rendu compte de ce manque cruel de discipline intellectuelle, on se rend compte de la cohérence de ce livre à d'autres niveaux. Il y a derrière cela une profonde révolte contre ce mode de pensée dominant, la volonté d'être dans autre chose que thèse/antithèse/synthèse, inventer un nouveau langage, sans frontières, chaotique, imagé, où les liens entre les « arguments » (qui changent de nature) ne se font plus avec la raison mais avec les sens. « Une vision du monde post idéologique, multiperspective, capable de se déplacer « sans racines » de la philosophie au mythe tribal, des sciences naturelles au Taoisme.Capable de voir, pour la première fois , comme à travers les yeux d'un insecte doré, ou chaque facette reflète un tout autre monde ». En un sens, TAZ est écrit comme une TAZ. De temps en temps des concepts surgissent puis disparaissent au milieux de structures et de mots qui appartiennent au « système » du langage.
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Cela ne nous dit pas ce qu'est une TAZ. Je ne le sais pas. C'est tout et n'importe quoi. La TAZ n'a pas besoin d'être définie puisque lorsqu'elle sera comprise, elle sera comprise ...dans l'action.
Publie dans le torchon 4, janvier 2009