• Le NaZeQui s'est un jour intéressé à la manière dont il serait possible d'améliorer telle ou telle institution, peu importe laquelle - école, Etat, entreprise etc. - a pu se surprendre à penser que, effectivement, si les professeurs étaient plus passionnés et aptes à transmettre cette passion, si les hommes politiques étaient plus clairvoyants et honnêtes, les affaires de la nation s'en trouveraient grandement améliorées. C'est là une opinion juste et fondée que de penser que si les qualités des titulaires des postes étaient plus grandes, leurs défauts plus minimes, le système, l'institution ne pourraient en être que meilleurs. A partir de cette vue tout à fait évidente, l'esprit, suivant une pente mystérieuse autant que spontanée, en vient à adopter une conception dangereusement erronée et utopique, celle de vouloir faire reposer le fonctionnement régulier de ces institutions sur des individus d'exception. Ainsi vont les rêves de ceux qui ne font reposer la bonne marche d'un Etat que sur le dévouement d'hommes providentiels, génie de la politique et de l'histoire, qui croient que la transmission du savoir ne peut qu'être le fait de professeurs charismatiques...

    Las ! Les hommes de cette envergure sont rares, et leur apparition défie les lois de la raison, ne semblant même qu'être le fruit du hasard le plus pur et le plus capricieux. Tout autre est la fréquence d'apparition du naze, qui est réglée sur une cadence toute mathématique : toute collectivité humaine génère une proportion donnée de nazes, celle ci étant à coup sûr très largement supérieure à celle des génies (loi de la prépondérance du naze). En ces conditions, quelle perspective s'offre à ceux qui, intéressés au bien commun, souhaitent améliorer la fortune de leur République ?

    Cette perspective à un nom, le Système. Sa devise pourrait être celle ci : « Maximiser les bénéfices du naze, minimiser les pertes du naze ». Son fondement réside dans son acceptation de cette vérité, toute société comporte une proportion notable de nazes. Une fois cette vérité admise, voyons comment en tirer le meilleur parti, en prenant comme exemple le système de la démocratie libérale. Si nous commençons par supposer - prémisse erronée - que les hommes recherchant le pouvoir ne le font qu'avec des vues grandioses du bien commun, des méthodes justes et honnêtes, et sans intention aucune de s'accrocher à leur pouvoir, les procédures d'élection, la séparations de pouvoirs, tout ce genre de chose n'est d'aucune utilité, est même néfaste, l'homme d'exception étant bridé dans la réalisation des ses desseins. Mais l'expérience enseigne que dans le monde réel, le pouvoir va être recherché par des nazes qu'il faudra contraindre à ne pas abuser de leur pouvoir, et surtout, à quitter le pouvoir lorsque leur qualité de naze aura éclaté au grand jour. Ainsi l'action du Prince naze sera contrainte par l'Assemblée dont il devra rechercher l'assentiment. Mais, objecterez-vous, cette assemblée, en vertu même de la loi de prépondérance du naze, ne sera-t-elle pas généreusement garnie de nazes ? En effet, une proportion non négligeable de ses membres seront des nazes, mais un troisième pouvoir, le conseil constitutionnel par exemple, veillera à ce que l'action de ces nazes ne soit pas trop dommageable. Bien entendu ce troisième pouvoir comportera lui aussi son lot de nazes, et il devra lui aussi être limité. Le système de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs ne vise en fait qu'à enserrer les nazes dans un réseau serré de contraintes, de telle sorte que leur action ne soit pas trop préjudiciable, voire même que la proportion de non-nazes qui pourraient s'y trouver puisse en mener une.

    Voici donc un exemple de minimisation du naze qui, nolens volens, a fait ses preuves. Mais comment serait-il possible de sélectionner les tenants de postes pour en écarter d'avance les nazes. Plusieurs formules ont été testées, l'une consistant à considérer que dans la descendance d'un homme ne se trouverait pas de naze. Cette solution élégante pêchait par optimisme, ignorant que la loi de prépondérance du naze était universelle, et qu'une descendance, une famille n'y font pas exception. L'illustre Platon, croyait lui que parmi les philosophes ne comptaient pas de nazes et en déduisait fort logiquement que la cité devait leur être confiée. Seule la charité nous préserve de citer parmi une abondante série de candidats ceux des philosophes qui ont vérifié l'implacable loi de prépondérance du naze. Le compromis qui fut trouvé décida de partir de cette loi pour en déduire qu'il était juste que les nazes (et les non nazes par la même occasion) choisissent par élection les nazes qui les gouvernent, en espérant que des moins nazes émergeraient du processus, et que les nazes qui le feraient ne pourrait pas trop abuser de leur pouvoir par le système que nous avons décrit. Il est vrai que c'est là un compromis insatisfaisant, quoique raisonnable. Churchill disait ainsi que la démocratie est le plus naze de tous les systèmes, à l'exception de tous les autres. Rien n'interdit d'en chercher un autre...

    Nous pouvons maintenant considérer un autre domaine, l'école qui mettra en lumière l'autre versant des bienfaits du Système, la maximisation du naze. Dans un monde de professeurs parfaits, il est bien évident que les horaires, les programmes, la discipline etc. ne sont que nuisances. Mais considérons un enseignant naze, que chacun à pu rencontrer. Difficile à lever le matin, peu enthousiaste, mal aimé, doté d'une mémoire rudimentaire et d'un charisme limité, livré à lui-même, il ne transmettra pas la moindre connaissance à ses élèves. Mais, le Système, lui, a prévu cette possibilité ! Elle lui donnera un manuel, des heures de cours fixes, des possibilités de faire régner la discipline - à commencer par la sienne propre, celle qui consiste par exemple à se lever le matin. Cet enseignant naze, par la grâce du Système, pourra ressentir la joie d'avoir fait progresser les nazes que, chaque matin, il avait devant lui.

    A la lecture de ces quelques lignes, il apparaîtra à l'homme sensé, je l'espère, combien le Système est la seule solution valide dans un monde saturé de nazes. Lui seul remplit honorablement sa tâche : « Minimiser les effets négatifs du naze, maximiser les effets positifs du naze ». Il ne me restera plus qu'à préciser que pour qu'il remplisse cette tâche, il faut se garder d'en confier la conception à un seul homme, qui pourrait bien s'avérer être un naze. Il nous semble bien plus prudent de laisser le temps faire son ½uvre, de procéder par tâtonnement, afin que les innovations nuisibles de nazes ne soient pas trop violentes, et que les innovations bénéfiques des non-nazes ne le soient pas non plus. Car ce qui guette le plus dangereusement sur la route du non-naze, c'est la tentation toujours renaissante de croire que le monde n'est pas naze. Lorsqu'il cède à cette tentation, le non-naze appliquera une solution pour non-nazes à un monde de nazes, pour sa plus grande ruine...

    Viatcheslav Porphyrovitch, non naze émérite.
     
    publie dans le torchon 8, decembre 2009

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  • Un regardNous sommes le mercredi quatre mars 2009.


    Je suis passé à la fac ce matin. J'y passe régulièrement ces derniers jours. Après l'occupation, le blocage. Que se passe-t-il dans leur tête, que souhaitent-ils au final? Je regarde la foule fatiguée qui n'a que peu de pep's face au froid. Seulement, une personne veut rentrer. Directement des gens se ruent sur lui. Est-ce la fatigue, l'éducation ou la recherche d'identité qui en assoiffe certains de violence. Face à cela, je vois plus de haine que de convictions pour un mieux. Y-a-t-il une idéologie derrière leurs attitudes, et laquelle? Je ne comprends pas grand chose. Je ne m'identifie pas à la foule même si je défends leurs critiques. Je ne me sens pas de légitimité de toute manière pour m'inscrire réellement dans leur « unité ». Ils n'en ont pas, c'est d'ailleurs leur problème. Je scrute les gens. J'entends les bribes de conversations. Un jeune homme de la sécurité incendie engrène son collègue pour faire monter la pression. Le collègue en question ne rentre pas dans le jeu. Il n'est pas belliqueux. L'autre, on m'en a parlé il y a quelques jours. Il aurait castagne un étudiant l'an passé dans le même contexte. Il y a des étudiants qui ont soif de casser tout et n'importe qui. Il faut que ça pète. Un nihilisme assez triste à l'orée de la vie. D'autres encore ont des convictions, savent ce qu'ils foutent ici. Certains ont même une assez grande connaissance des codes de ce genre de climat. Et puis il y en a qui zonent, ne savent pas ce qu'ils sont mais suivront en partie. Face à cela pour l'instant, aucune force de l'ordre. Mais il y a déjà des réticents. Quelques étudiants s'énervant; ils sont d'ailleurs à la base des dérapages; qui veulent à tout prix leurs cours ne comprennent pas ce qui se passe. La plupart se plaindront d'ici quelques années du monde dans lequel ils vivent. Mais sans engagement. Je suis assez triste, sans être surpris, de regarder cette désorganisation vide de sens. Le combat doit avoir lieu. Il faut s'opposer à tout ce que propose le gouvernement pour détruire le semblant d'égalité en construction depuis longtemps. Cette réforme ne vaut rien, et ce sont ces réformes et leur programme qui sont à dénoncer. Personne ne s'unit. Trois manifs et j'ai à peine vu l'ombre du corps enseignant. Ils ne viennent même pas dialoguer avec les étudiants sur le campus ni même les aider à mettre en ½uvre leurs projets. C'est pourtant ça l'éducation: transmettre le savoir. Peut-être faut-il tout leur dire à eux aussi? Peut-être ont-ils besoin d'un programme, d'un ordre. Agir sous l'ordre et la contrainte! Pourtant les professeurs dénoncent aussi la manière dont se fait l'enseignement mais ils n'y changent rien au jour le jour. C'est au quotidien que l'on affirme nos valeurs. La désorganisation, c'est la manière dont tout se passe ici. Il y eut 10 000 ans plus tard. Quelques jeunes s'investissent et tentent. Toujours les mêmes. Il n'est pas évident de partir comme ça sur le chemin de bataille, avec une horde fixe qui ne s'inscrit pas vraiment là-dedans. Pourquoi les étudiants n'ont pas exploités ce collectif, amenés leurs idées...
    Au final, au bout de quelques semaines, rien ne se fait vraiment, tout au dernier moment. Avec le nombre d'étudiants et les différentes filières, il y a moyen de proposer de nombreux temps d'échanges riches et variés. Mais qu'en est-il? Hier, moment du repas, le soir, après quelques images des informations télévisées, on passe des vidéos de manifs violentes avec des musiques psychédéliques en fond. Une soif de violence de la part de certains et l'envie de la propager au plus grand nombre. Y-a-t-il un rêve? Ont-ils un rêve? Je veux dire, vraiment! Il est si facile d'être ANTI. Soyez, soyons POUR notre monde et contre le leur. Dessinons le notre pour pouvoir mieux contrer leurs attaques. Tout semble vide derrière ces quelques actes que certains aiment par dessus tout qualifier de RÉVOLUTIONNAIRES. Mais je sais qu'au plus profond, il y a vraiment des idéaux qui les animent mais que le contexte dans lequel nous grandissons nous amène à focaliser sur les idées noires. Pendant ce temps là, on dit là-haut que « ça ne se voit pas », comme s'il n'y avait aucun problème de société. Pendant ce temps là, papa cherche du travail, maman essaye de faire les courses, les pairs payent leurs études (dites gratuites), et des frères sont reconduits aux frontières. Pendant ce temps là, tout va bien! Les « enragés » avec parmi eux quelques r.g. et indics en tout genre apportent de l'huile sur le foyer, ça va péter et on pourra fermer nos gueules lorsqu'ils nous la mettrons profond et à sec.

    Un regard, paru dans le torchon double 6/7

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