• SPA: "Sans Papiers Amen"

     Macbeth au ministère : lutte de Non-Pouvoir - Lire et relire Lénine –A vos marques, prêts? Sans Papiers!!!


    SPA sans papiers Amen

     

     

    Sur les tee-shirt des militants, ce slogan« J'y suis, j'y reste »! Bah moi aussi!
    En effet, mon premier contact avec le ministère de la régularisation de tous les sans-papiers fût pour le moins tendu. Entré avec l'innocence de candide je me suis fais « bouté hors de »à peine une minute après avoir pénétré dans le sanctuaire.
    -chef!
    -oui?
    -c'est pour les sans-papiers ici!
    C'est à peine si j'osais rester dans le sas d'entrée, là où sont exposés des dizaines d'articles concernant l'ouverture de ce lieu et son action pour la régularisation de tous les sans papiers. Culottés les négros! Comment peut-on à la fois exposer sur le seuil d'entrée des photos (une cinquantaine, au format A3) de « couple s» franco-sans-papiers qui partagent une carte d'identité, demander des dons en tout genre à l'entrée et me signifier aussi clairement que je ne suis pas le bienvenu ?
    Mais aujourd'hui, c'est différent: aujourd'hui c'est meeting! En attendant les débuts des discours chiants,certains dansent, beaucoup sourient, on me demande si ça va, on me sert la pince. Plutôt sympa l'ambiance! Et à travers les rythmes africains et les slogans sur les murs, on comprend ce que l'appellation ministère a, en ce lieu, de subversif.
    Pourtant une question me hante plus que les autres: dois-je ou non ouvrir la bière qui se trouve dans la poche gauche de mon blouson et que je caresse tendrement comme jadis, enfant, je caressais mon sexe à travers les poches trouées de mes pantalons?
    Les sans-papiers ils sont bien tous musulmans non?
                La première gorgée est toujours un déclic dans les cadres collectifs comme celui ci. Me voilà en train de me déhancher joyeusement quand une mini manif fait une irruption soudaine dans l'immense bâtiment . Et là, j'hallucine. J'entends de mes propres oreilles, ces énergumènes crier: « bamboula, on ne veut pas la régularisation de tous les sans-papiers » Oh putain, ça va saigner! Les fachos sont sûrement accompagnés de leur fidèle barre à mine, quant aux bamboulas en question ils vont sans doute vouloir répondre à la provocation et l'on sait depuis 1994 leurs prédispositions pour l'usage de la machette...
    Quelle n'est pas ma stupeur lorsque je vois les sans-papiers reprendre le slogan ! Je tends l'oreille de tout mon possible et mon hallucination sonore prend fin:
    « Cas par cas, on ne veut pas (POINT) La régularisation de tous les sans papiers. »
    Non ce n'était pas des fachos mais des couillons de gauchistes, junky de la manif qui faisait une fois de plus une démonstration de leur sens (inné?) du ridicule. Tout d'abord, faire une manif à l'intérieur, faut être sacrement con,(à moins que ce ne soit un nouveau concept, après les manifs de droite, les manifs d'intérieur!) mais pour écrire des slogans prêtant autant à confusion, il faut l'être doublement. Et si vous me signalez qu'il faut être sacrement bourré pour imaginer des quiproquos pareils, je vous rétorquerais nique ta mère.


     
    En matière de ridicule, la palme reviendrait sûrement au « MC » de la soirée, un black (je le laisse dans l'anonymat pour des raisons de sécurité: il est sans-papiers le pauvre) engoncé dans un costume beige immonde, la voix fluette et manquant singulièrement de charisme, c'est lui qui présente les différents intervenants. Son vocabulaire est réduit à deux mots: « camarade » qu'il utilise à tout va et sans raison, simplement pour paraître plus sérieux aux yeux des trois journalistes affiliés PC ou NPA. Ce sont les seuls qui se donnent la peine de parler des actions entreprises par les sans-papiers depuis des mois, ( par conscience de classe ou par électoralisme? Avec ces gens là, on ne sait jamais trop.)
    La deuxième expression est « la régularisation de tous les sans papiers » qui est à chaque fois saluée par une salve d'applaudissement. C'est tristement démagogique tout ça ! Et ce n'est pas parce que je défend votre cause que je vous laisserai vous compromettre dans la pire des logiques politicardes. L'énoncé de ce débat étant « les méthode de lutte des sans-papiers », certains ont cru qu'il suffisait de marteler des convictions dans le vide pour qu'elles se réalisent. C'est le signe d'une immaturité politique grave: l'enfant aussi prie tous les soirs avant Noël de se voir offrir un jouet que ses parents n'ont pas les moyens de se payer.
    Je ne serai pas aussi dur avec eux si simplement il s'était passé quelque chose. Mais une heure après, ce meeting tenait toujours plus de l'AG étudiante que d'un groupe capable de mener une bataille politique à la fois efficace et variée (être « sans-papiers » regroupe beaucoup de situations différentes, parfois antinomiques, bien loins de l'image simpliste de la victime que l'on nous présente tout le temps). Certes, le meeting a lSPA sans papiers Amenieu dans un bâtiment de 5000m2 ,occupé depuis plus de 6 mois, lieu de relais d'une grève de 6000 travailleurs sans-papiers qui ne faiblit pas et ce sans aucun soutien de la presse! Le résultat est somme toute impressionnant, à dire vrai jamais les sans-papiers n'ont eu autant de poids qu'aujourd'hui. Ils ont su réagir à des lois racistes les mettant clairement en péril, de manière  efficace. Alors quoi ? N'ont ils aucune leçon à tirer des méthodes jusque là utilisées? A moins que ce ne soit le souvenir : 25000 frères reconduits à la frontière en 2009 qui a un parfum de défaite. Les célébrités peuvent se réunir, partager une « galette de la fraternité » rue du Regard, on peut faire des courts-métrages de soutien, récompenser « welcome » de tous les césars que l'on veut, le gouvernement, implacable, continue de faire savoir qu'il ira au bout de sa politique du chiffre: et le centre de rétention se rapproche inéluctablement.
    Pour vous décrire l'état d'hallucination dans lequel je me trouvais, je me dois de faire appel à votre bon sens: qu'attendriez vous d'un meeting censé traiter des méthodes de lutte? Qu'il dresse une liste desdites méthodes, non ? Une sorte de grand exposé sur l'action, éclairé par l'action elle même. Nous avons essayé ceci: cela marche ; nous avons essayé cela: cela ne marche pas. Jusqu'ici nous avons privilégié ceci, nous devons désormais nous concentrer sur cela.
    Et bien non. Rien de ce qui est censé être le B.A BA de la politique. Rien de ce qui ressemble de près ou de loin à une stratégie.
    Exemple d'une intervention (et encore, je synthétise! Il lui aurait fallu 10 phrases pour exprimer ceci au responsable CSP 75): « Dans un premier temps, nous devons convaincre tous les sans-papiers de rejoindre notre mouvement car un sans-papiers qui appartient à un collectif est moins vulnérable face à l'arbitraire de la police. Il sera à même de pouvoir compter sur un réseau et aura été au préalable informé de ses droits. »
    Bien. Très bien même. Mais un rapide coup d'½il dans la salle à la lumière de mon expérience dans la jungle me signale qu'aucun Afghan n'est présent.  C'est ballot, je sais moi même où traînent les Afghans à Paname.
    En règle générale, la question qui suit une affirmation tel que « il faut faire ceci » est  « comment faire ceci?». Par exemple, en envoyant trois types parler aux Afghans. Alors peut-être que je parle sans savoir, peut-être que cela a été fait ou peut être simplement que les négros n'aiment pas les talibans !(Oui oui, ne vous inquiétez pas, je vous démontrerai sous peu qu'il peut y avoir des sans-papiers RACISTES, aussi incroyable que cela puisse paraître) Mais j'en doute, autrement on aurait eu le droit à un compte-rendu de ces négociations. Le ministère de la régularisation de TOUS les sans-papiers, fer de lance auto-consacré de la lutte des sans-papiers menée par les sans-papiers eux-mêmes, entend cristalliser les autres luttes sans effort. Ce sont les autres qui doivent venir à eux et non l'inverse. Triste constante, dans la logique militante, que celle de voir des gens persuadés de s'investir dans LA bonne lutte.
     
    Qui va définir la direction à suivre, si l'unité est brandie comme une valeur?
     
    Postscriptum:
     
    A l'heure ou j'écris ces lignes les squatteurs de la rue David D'Angers ont été expulsés. Je ne sais ni quand, ni comment. Installés dans un foyé depuis 1968, ils avaient été soudainement expulsés. Pour cause l'insalubrité des lieux sans qu'un dixième ne soit relogé. Certains étaient là depuis 20 ans et ils avaient la prétention de vivre dans ce qu'il considéraient comme leur quartier. Plusieurs fois nous avions bavardé. Isolés dans cette lutte puisque continuant à travailler et ne demandant pas de papiers mais simplement un relogement, nous partagions une même quête, une même obsession: comment faire? C'était le moment ou nous essayions de monter un squat (on a foiré comme des petits merdeux, que voulez vous, on ne peut à la fois cracher sans cesse sur le militantisme et faire preuve de méthode...) L'idée était simple: je parcourais le quartier à la recherche de maisons vides, et les tenais au courant. Afin qu'ils occupent. C'était clair comme un immigré bien intégré: ils avaient un objectif et je pouvais les aider concrètement. Maintenant qu'ils sont parti je me sens bien seul pour répondre à cette question de la méthode, et mes pauvres articles, récits de mes échecs successifs n'y changeront rien. Requiem pour une cause. Kaddish pour un engagement citoyen qui ne naîtra pas. Amen.
     
     




    Paru dans le torchon 9, decembre 2010

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